Quand notre gastronomie s’exporte : « cette histoire n’existe pas, elle est unique »

Cinq étoiles Michelin à eux deux. À 37 ans, Franck PELUX et Fabien FERRÉ figurent parmi les meilleurs chefs de leur génération. Le premier à la Table du Lausanne Palace** en Suisse, le second à celle du Castellet*** dans le Var. Leurs succès, ils les partagent depuis leur plus tendre enfance. Les deux hommes sont nés la même année, en 1988, à Autun (Saône-et-Loire). Les parents de Fabien tenaient une pâtisserie-boulangerie, tandis que ceux de Franck avaient un tabac, dans la même rue, à 150 mètres : « Dès que j’avais un peu de temps, j’étais chez lui. Nous avions déjà les mêmes envies, les mêmes valeurs : la fougue, la jeunesse, l’envie de découvrir le monde », rembobine Fabien FERRÉ. Leur passion commune pour la cuisine va naître lorsque les parents de Franck achètent le restaurant La Clef des champs, toujours à Autun : « J’étais au paradis car j’ai toujours voulu devenir cuisinier », se rappelle Franck PELUX. Le chemin vers les fourneaux a pris un peu plus de temps pour son ami : « Oui, c’est venu un peu plus tard, confirme Fabien. J’étais petit-fils d’agriculteurs, mes parents pâtissiers ; il a fallu m’imprégner de cet héritage. Et mon amitié avec Franck a fait le reste. »

« Nos destins sont liés »
À 15 ans, ils prennent tous les deux la direction du centre de formation Jean Lameloise à Mercurey (Saône-et-Loire). Franck réalise son apprentissage dans le restaurant familial. Fabien intègre sa première maison étoilée à Tournus (Saône-et-Loire). Compétiteurs dans l’âme, ils s’inspirent l’un de l’autre, cherchant sans cesse à se dépasser : « Il y a un esprit de compétition entre nous, depuis que nous sommes gamins, confirme Franck. Un footing ? Il faut finir premier. S’il faisait Troisgros, il fallait que je fasse Alléno. » Plus casanier, Fabien FERRÉ va tracer sa route dans une poignée de grandes maisons françaises, tandis que Franck multiplie les expériences, notamment en Asie. Des choix de vie qui ne les ont pas éloignés : « Où qu’il soit allé, on s’appelait et on s’appelle encore tous les jours. C’est pour ça que l’histoire est belle, que l’histoire est forte : on est arrivé au firmament. Nous sommes des frères d’armes, des frères de sang avec le même parcours ; cette histoire n’existe pas, elle est unique », témoigne Fabien. Auraient-ils réussi individuellement, l’un sans l’autre ? « Je ne pense pas ; nos destins sont liés », affirme Franck.

La Bourgogne dans les assiettes
Deux à trois fois par an, les deux chefs se retrouvent pour cuisiner ensemble, à l’occasion de dîners exceptionnels. Loin de leur Bourgogne natale, ils n’en oublient pas leurs origines. Franck propose systématiquement un oeuf meurette retravaillé en guise de mise en bouche. Son « plat préféré ». Fabien distille les produits avec parcimonie : du cassis, de la cazette du Morvan… « Le client qui veut manger une cuisine bourguignonne, il va en Bourgogne. Les gens qui viennent chez moi veulent manger provençal. Alors je ne mets que quelques touches. Ou je fais des rappels : j’adore l’escargot à la persillade ; au Castellet, je travaille un murex, qui est un escargot de mer. C’est important, car ce sont mes racines et je ne les renierai jamais. » Tout comme l’histoire qu’il a créée avec Franck : unique, exceptionnelle.